A la recherche du sorcier

Meije fixa le vampire qui se moquait d'elle, un peu vexée.

"Évidemment que je le sais", fit-elle un peu sèchement. "Sauf qu'on ne m'a pas parlé de "démoniaques" mais simplement de personnification de vices et de vertus".

Meije n'en croyait pas ses oreilles. Une personnification était une personnification, rien de plus. Elle correspondait à ce qu'on lui avait assigné par croyance. Ce qui ne signifiait pas nécessairement qu'elle était démoniaque ou angélique. Allez savoir, peut-être que la colère avait bon fond après tout, si on la prenait en dehors des heures de boulot. Mais chacun respecte ce qu'il est censé être.
Meije avait toujours beaucoup aimé l'idée de l'Avarice. Les avares avaient toujours de l'argent, et refaisaient le plein à chaque fois que vous les pilliez. Ils représentaient des clients assez stables, au final, sur lesquels on pouvait toujours se rabattre si on ne trouvait pas de gras marchands.
Éric lui apprit par la suite que l'homme faisait manifestement partie d'une grande famille, ce qui plut tout à fait à Meije. Un homme riche, probablement, et s'ils devaient l'affronter et le battre, il y aurait des objets à récupérer. Dans la plus pure tradition des quêtes.
Évidemment, elle préférait éviter l'affrontement avec un sorcier qui semblait de bonne trempe. Meije aimait la richesse, mais pas la magie.
Le vampire lui tendit une cape, qu'elle saisit.
Elle laissa glisser à contrecoeur son rideau, partant du principe qu'elle ne voulait rien accepter de ce qu'elle avait cru être un jeune homme. Elle ne voulait pas être assujettie à lui plus qu'elle ne l'était déjà par la morsure.
Elle se drapa dans la cape, un tout petit peu longue pour elle, et se retourna vers lui.

"Je suis prête", annonça-t-elle. "Partons".

Meije n'avait apparemment pas apprécié les remarques d'Eric, ce qui lui importait peu d'ailleurs. Ce qu'elle lui répondit ne fit qu'accentuer sa propre déception. Il prennait toujours assez à coeur les erreures sur l'histoire de ce monde, après tout, il était l'un des rares à pouvoir en raconter le plus long possible. Mais plus le temps passait et plus les gens semblaient oublier certains "détails" et même, dans les contrées les plus reculées, tout ceci n'était que légende pour endormir les enfants. Il poussa un petit soupir mesuré.

"Simplement, n'est pas suffisant. Sachez que chaque vice est foncièrement mauvais et chaque vertu foncièrement bonne. C'est ainsi."

Par chance, elle ne demanda pas d'autres détails, consciente que le temps n'était pas à l'histoire. La jeune femme pris la cape que lui avait apporté le vampire, et se prépara pour sortir. Une fois qu'elle fut prête, Eric franchit la trappe, une fois qu'il eut bien prit soin de récupéré tout ce qu'il avait sortit de sa besace en ce lieu, tel que les lucioles pour la lumière.
Une fois dehors, dans la brume blanchâtre et humide de ce pays, il fit signe à Meije de faire le moins de bruit possible et de cacher son visage ainsi que toutes les parties ou sa peau blanche était visible. Ils devaient se faire remarquer le moins possible. Dans les rues, les lumières aux fenêtres apparaissaient telles des allées de fantômes lumineux leur faisant une haie d'honneur, ne se reflettant pas sur les pavés mouillés. C'était le petit matin, il ne croisèrent pas grand monde, même une fois arrivés dans la rue principale d'où surplombait au loin, et invisible, le château du souverain. Il remontèrent un peu cette artère afin de laisser le moins de rue transversales possible entre eux et l'extrémité pour ne laisser passer aucune chance. Une fois qu'Eric estima qu'ils étaient assez bien placés il entraina Meije dans une ruelle bordante sombre et se tourna vers elle.

"Je pense qu'ici nous sommes bien." Il se pencha sur l'arrête de la maison faisant l'angle pour jeter un coup d'oeil dans la grande rue. Un fiacre passa à grande vitesse. "Les gens du château ont déjà commencé à sortir. Si un autre fiacre comme celui là arrive, je vous laisse faire peut au conducteur pour qu'il s'arrête et je me chargerai ensuite du reste. Cela vous convient-il?"

Le silence était retombé, les bruits des sabots s'éloignaient rapidement, Eric monta de nouveau la garde montrant à Meije une rue identique à celle ou ils se trouvaient mais de l'autre côté de la grande rue, si elle souhaitait épier de là bas plutôt que de rester dans son dos.

Après avoir récupéré ses effets, Éric passa la trappe de sortie. Meije le suivit pour aboutir dans la rue, dans une humide brume blanchâtre.
Il ne faisait sans doute pas très froid, mais l'humidité rendait la température désagréable, pénétrant jusque dans les os.
Ne voyant rien, elle se contenta de suivre le vampire en veillant à rester le plus discrète possible dans un environnement où elle ne voyait pas ses potentiels ennemis. Ils avancèrent au détour de rues anonymes jusqu'à ce qu'Éric s'arrête dans un coin qui sembla lui donner satisfaction.
La jeune femme, réchauffée par la marche le temps de son déplacement, recommença de grelotter légèrement.
Un fiacre passa tandis qu'Éric lui expliquait son plan.
Alors que le bruit des sabots s'éloignait, il lui indiqua la rue d'en face pour se cacher en attendant qu'un autre fiacre ne passe.
Meije était censé s'occuper d'effrayer le cocher et d'immobiliser le fiacre. Elle n'avait aucune idée de la façon dont elle s'y prendrait, mais elle improviserait.

"Ca me va", approuva-t-elle. "Je vais en face".

Elle rajusta sa cape, que le passage du fiacre avait dérangé, de manière à ce que sa peau n'apparaisse nulle part. Ce n'était pas tant le besoin de discrétion que le froid qui la poussait à se couvrir du mieux qu'elle pouvait. Pestant intérieurement, elle se jura qu'elle penserait la prochaine fois à prendre des habits chauds.
Puis, comme de telles promesses ne réchauffent pas et n'accomplissent pas le travail, elle traversa la rue pour se tapir dans celle d'en face.
Se faisant la plus discrète possible, essayant de se fondre dans le décor, elle amenuisa son souffle et attendit, aux aguets.

Il ne leur fallut pas attendre longtemps avant de voir descendre dans la grande rue un couple d'elfes noirs, noble de haute lignée d'après leurs vêtement, qui détail important, étaient couverts de sang. Le couple dansait une valse prennante tout en chantonnant glissant sur les pavets et riant aux éclats. Scène plutôt malsaine lorsque l'on savait la replacer dans son contexte. Les sacrifices gratuits et pour le plaisir avaient souvent lieu dans ce genre de fête et ce sang devait certainement appartenir à un pauvre prisonnier qui n'avait pas eut de chance, si il n'y en avait eu qu'un, ce qui était fort improbable. Ce genre de personnages faisaient partie des plus dangereux de cette contrée. Eric leva sa tête vers Meije qui se tenait de l'autre côté de la rue. Sa vue lui avait fait remarquer les elfes bien avant elle et il lui fit signe de ne pas approcher d'eux, de les laisser passer et de se cacher le plus possible. Au loin, il entendait le son des sabots d'un cheval et les roues grinçantes d'un fiacre qui allait moins vite que le précédent. Ils auraient plus de chance en s'attaquant à celui-ci et à son cocher. Espérant que Meije eut compri, il attendit.

Des cris de joie et des rires festifs ne tardèrent pas à se faire entendre. Apparemment, un groupe d'invités descendaient du château, sans doute un peu grisé, nota Meije.
Elle se demandait si elle devait les attaquer lorsqu'elle vit Éric lui faire signe de se cacher et de les laisser passer.
La jeune femme obéit et se coucha au sol, sur le flanc, le dos contre le mur. Elle retint son souffle quand ils passèrent en criant, riant et chantonnant.
Un peu plus loin, il lui sembla vaguement entendre des claquements de sabots et des grincements de roues. Ses oreilles humaines n'étaient pas trop sûres, mais elle préféra obéir, partant de la supposition qu'Éric savait ce qu'il faisait.

[ah, je pensais que tu allais directement attaquer le fiacre après que les autres zozio soient passés... ]

Eric remarqua que Meije s'était tapie dans l'ombre lorsque le couple d'elfe était passé près d'eux dans la ruelle.

*Au moins, elle n'est pas suicidaire...* pensa t-il.

Une fois que les elfes furent passés, Eric se redressa, ajusta sa cape, et s'appuya sur le mur de la maison. Une fois certain que le fiacre descendait dans leur direction, il se positionna de manière à être prêt au cas Meije se déciderait à l'arrêter.

[Nan, j'croyais qu'on faisait dans les règles biggrin

Je prend quelques libertés pour le cheval, parce que si on doit décortiquer chacune de ses actions, on a pas terminé ^^ De toute façon, à moins que ce ne soit des chevaux magiques ou quoi, ils réagissent plus ou moins comme ça (encore que ceux que je connais aurait tendance à se foutre dans le mur et à se retourner sous le fiacre pour faire un demi-tour suicidaire fou1

]

Quand les aristocrates furent passés, la jeune femme se releva vivement et ôta sa cape d'un mouvement vif. Tant pis pour le froid et la discrétion. Elle comptait sur la brume pour la dissimuler légèrement, mais elle devrait faire vite tout de même. Allez savoir de quoi étaient capables les elfes, sans doute avaient-ils meilleure vue qu'elle..
Plus loin dans la rue, elle entendait les claquements de sabots et les cahots du fiacre qui approchait.
Elle resta postée dans l'angle et attendit quelques secondes.
Elle était excitée à l'idée d'une petite agression, chose qu'elle n'avait pas commise depuis l'abordage du navire marchand qui avait valu l'emprisonnement de Jean et des quelques marins qui l'accompagnaient.
Quand le fiacre ne fut plus qu'à quelques mètres de l'angle de la rue, Meije se rua en avant du cheval en faisant tourner et claquer sa cape sur le pavé.
La cape, humide, fit grand bruit et eut l'effet escompté sur le cheval, qui par réflexe ralentit. Elle empoigna sa bride au vol et se plaça à hauteur de son épaule, les deux mains sous la bride. Elle fixa ses deux pieds au sol et se campa de toutes ses forces. Elle fut traîné sur deux ou trois mètres, les bras au martyr, puis le cheval passa brusquement au pas en baissant la tête et s'immobilisa.
D'un geste rapide et précis, Meije, qui connaissait les chevaux, tira son épée et brisa net le brancard qui maintenait le fiacre au cheval. Elle avait prit soin de ne casser que la boucle afin que le fiacre soit réutilisable.
La pensée lui vint que le cocher était peut-être armé. Elle revint à la tête du cheval et se blottit contre son poitrail fumant pour se protéger en attendant qu'Éric fasse son office, la tête bien au chaud et à l'abri d'un tir éventuel d'arbalète ou autre arme vicieuse et surtout, mortelle.

[Dans les règles ? ah ? Dis donc tu connais des chevaux bien étranges..... Pas conseillé de monter avec! ]

Eric observa la jeune femme de l'autre côté de la rue, elle semblait se préparer à l'attaque. Heureux de voir qu'elle le comprenait, il se campa sur ses positions, attendant un volte face des cheveaux ou du cocher, ou pire, des gens à l'intérieur du fiacre. Mais rien ne vint. Le véhicule était là, et Meije faisant de grand geste avec sa cape presque toute neuve qu'Eric avait eut la gentillesse de récupérer. Maintenant elle trainait au sol, toute sale et toute mouillée. Au moins elle se fondrait ainsi mieux dans la masse et elle aurait froid! Légèrement éberlué, il regarda la scène avec amusement. Il aurait pensé qu'elle aurait utilisé son pouvoir en apparaissant juste devant le cheval et en disparaissant puis en rapparaissant assise à côté du cocher ou quelque chose du genre. Mais Meije usa d'une toute autre stratégie. Sans broncher, Eric regarda la scène, ricannant de l'effet de surprise plutôt réussit. Une fois que Meije eut arrété le fiacre, le vampire sortit de l'ombre et s'avança rapidement. Personne ne le vit faire le tour du véhicule, seul les rideau volèrent suite au courant d'air qu'avait créé son déplacement. Il revint vers Meije pour lui chuchotter rapidement dans l'oreille :

"Prenez les renes, rafistolez ce fiacre, et enlevez-nous de cette route le plus rapidement possible, essayez de vous garer dans un endroit discret près de l'entrée de la ville."

A peine eut-il terminé qu'il repartit aussi vite, et le cocher disparut. Le fiacre était vide. Les propriétaires devaient être le couple qu'ils avaient vu passer quelques minutes avant. Eric changea ses plans et emmena le cocher dans le véhicule que Meije allait devoir conduire. En quelques secondes l'esprit de l'elfe noir était asservi et Eric n'avait plus qu'à poser ses questions en espérant qu'un individu de son rang saurait où trouver le sorcier.

[Toujours un peu stressés quand on s'agite trop sous leur nez !]

Le vampire revint vers elle pour lui susurrer deux trois recommandations à l'oreille puis repartit
Puis rien ne sembla vraiment se passer en apparence, seulement le cocher disparut subitement. Meije sourit. Éric aimait se servir de ses pouvoirs.
Comme elle, d'ailleurs, mais elle mettait un point d'orgueil à ne pas lui ressembler. Elle préférait donc ignorer ce petit détail pernicieusement soufflé par un deuxième degré quelconque et, heureusement pour lui, strictement anonyme.
Obéissant aux recommandations qu'il lui avait susurré à l'oreille, elle s'approcha du brancard pour renouer les courroies.
Une fois les dégâts réparés, elle sauta à la place du côcher et empoigna les rênes, résolue.
Elle les fit claquer, accompagnant son geste d'un petit "Allez". Meije ne savait pas trop comment s'y prendre, et elle n'eut en réponse qu'une surdité équine obstinée.
Se sentant un peu ridicule, Meije se leva et cria, tout en faisant siffler l'extrémité des rênes qu'elle ne tenait pas près de la croupe du cheval.
Cette fois, le cheval comprit et, peu soucieux d'en connaître plus sur son côcher, bondit en avant, passant directement du pas au galop.
Meije fut repoussée en arrière, et se cogna le dos contre la cloison. L'air s'expulsa de ses poumons et sa chance, bienveillante et toujours attentionné, lui planta une écharde dans l'épaule.
Poussant des jurons à faire rougir un matelot, elle reprit comme elle put son équilibre, rattrapa les rênes et assura un semblant de direction d'une main tout en se retirant l'écharde de l'autre.
Après un demi-tour un peu branlant, son écharde retirée avec violence et force peau déchiquetée sur les bords, elle lança le fiacre grinçant et zigzaguant dans la rue.

Après quelques brèves secousses et des cris accompagnés de jurons, Eric sentit le fiacre repartir et descendre la rue à une allure correcte. Installé avec son prisonnier sur les banquettes, il avait croisé les jambes et jouait aves les rideaux d'un air distrait. Le cocher, moins à l'aise, son corps suant de peur mais son esprit à la merci de son détenteur ne pouvait s'échapper. Eric entamma la conversation.

"Dis moi cocher, connais-tu celui que l'on nomme Askh'Ân ?- Oui, sorcier." La voix du pauvre elfe sortait aussi facilement que si le vampire tirait un long fil de sa gorge.
"Bien, est-il encore au chateau ?
- Non, parti au milieu de la nuit." Eric souffla d'agacement.
"Ou est-il parti ?
- Chez lui, en Takan'Ar.
- Bien."

Eric se concentra sur sa proie et le regarda d'un air dédaigneux. Il était hors de question qu'il se salisse avec le sang d'un elfe noir. Il choisit alors de lui effacer la mémoire, jute avant qu'il ne les rencontre. L'elfe évanouit tomba raide sur la banquette. Eric s'appuya sur son dossier, croisa les bras derrière la tête et profota de la petite balade dans les rues de la cité principale.
Une fois que le fiacre fut immobile, il descendit et regarda Meije, assise, les rênes à la main.

"Avez-vous entendu la conversation ? "

Meije, fébrile, faisait ce qu'elle pouvait pour maintenir le fiacre dans un semblant de ligne droite et à une vitesse suffisamment ralentie pour ne pas lui paraître suicidaire.
Elle trouva finalement l'endroit propice à l'arrêt et tira sur les rênes.
Le fiacre s'immobilisa et Meije put s'adosser à la cloison de bois pour reprendre son calme. Son coeur battait la chamade, ses bras étaient en feux et ses jambes flageolaient. Meije n'aimait pas le métier de cochère.
Elle entendit le choc sourd d'un tas de pomme de terre qui s'affaisserait par terre, puis la portière s'ouvrit sur le vampire.
Meije le regarda sans rien dire tandis qu'il lui demandait si elle avait compris la conversation.
Meije nia de la tête en déglutissant. Les cahots et le vent sifflant dans les oreilles lui avaient bouché les oreilles.

"Non", fit-elle d'une voix un peu rauque. "Mais j'imagine que le sorcier n'est pas ici et qu'il va falloir le chercher, pas vrai ?"

La jeune femme soupira. Tant qu'ils ne voyageaient pas en fiacre, tout irait bien. Quelque chose sembla lui revenir.

"Combien de temps nous reste-t-il ?", demanda-t-elle, autant au jeune homme qu'à elle-même.

Elle était légèrement anxieuse d'avoir à chercher le sorcier. Ils n'auraient jamais trop de temps pour le convaincre de changer d'avis, ou pour l'éliminer, et ils en perdaient beaucoup rien que pour le trouver.
Au fond de son ventre, quelque chose la gratta. Mais elle n'y prêta pas attention, croyant qu'il s'agissait d'une douleur normale, habituelle.

A la mine de la jeune femme, Eric vit qu'elle n'avait guère apprécié son séjour en tant que cocher. Dommage que le temps leur manquait, sinon il se serait fait un plaisir d'utiliser ce moyen de locomotion jusqu'à leur prochaine destination. Lorsque le vampire lui demanda si elle avait entendu la conversation, elle lui répondit que non mais avait devancé le mauvais coup du destin. Eric hocha la tête d'un air sobre.

"En effet. Le sorcier est déjà retourné chez. Ce n'est qu'un léger contre-temps toutefois. Heureusement pour vous, il habite dans la province la plus proche de la cité royale : Takan'Ar, au sud-ouest."

Eric savait d'avance comme ils s'y rendraient. Après tout, il avait donné sa parole. Mais il commençait à en avoir marre de faire tout le boulot.

"Je vous emmène de ce pas à la demeure du noble de cette région, mais une fois à la porte, vous vous débrouillerez pour marchander votre dû. Je ne serais que votre humble serviteur", il esquissa une légère courbette, "je n'interviendrai que si vraiment cela tourne au vinaigre."

Une fois qu'il eut terminé, elle lui demanda le décompte du compte à rebours. Eric chercha un peu dans sa mémoire.

"Il ne vous reste que 2 jours et 12 heures avant de devenir un légume Meije. Espérons que notre sorcier ne soit pas trop récalcitrant."

Sur ses lèvres se dessina un petit sourire. L'atmosphère calme et détendue qu'il dégageait était toujours présente. Pour lui aucun stresse, il avait eu son paiement. Il écarta alors grand les bras.

"Je vais vous faire gagner du temps."

Les chevaux étaient agités à force de sentir le vampire près d'eux. Ils se calmèrent directement une fois qu'ils disparurent de leur vue. Eric n'avait pas laisser le temps à la jeune femme de répondre à sa dernière phrase, qu'il l'avait déjà enveloppé dans ses bras, se mouvant à une vitesse vertigineuse. Pour lui ce n'était pas un pouvoir, juste une capacité due à sa race et à son âge, il pouvait donc l'utiliser comme bon lui semblait.
Grâce à lui, ils furent en quelques secondes à quelques pas des grilles de la grande demeure du sorcier. Il était facile de deviner qu'il habitait ici, ayant été invité au bal du souverain, il représentait forcement la famille la plus puissante de cette région.
Eric posa Meije par terre et s'empressa de réajuster sa cape afin qu'elle dissimule son corps. Il fit signe à Meije d'avancer, c'était maintenant à elle de jouer pour son âme.

"Après vous."

Éric confirma que le sorcier était reparti et cita Takan'Ar, une ville du sud-ouest dont Meije n'avait jamais entendu parler, comme de toute les villes du Royaume Maudit. La jeune femme était peu instruite de la géographie et n'éprouvait pas le besoin d'approfondir ses connaissances des contrés dangereuses et, par conséquent, peu propices à l'activité pirate en toute impunité.
Le vampire lui annonça qu'il la mènerait à la demeure du sorcier puis qu'elle devrait se débrouiller. Cela convenait à Meije, d'autant plus qu'Éric se plaçait en tant que serviteur.
Un petit sourire amusé éclaira son visage lorsqu'il fit une courbette, puis disparut lorsqu'il lui apprit où en était le compte à rebours.
Elle allait devoir faire vite.
Soudain, l'apparent jeune homme écarta les bras et déclara qu'il allait lui faire gagner du temps. Cette fois, Meije s'y attendait et put se remettre du choc du voyage assez rapidement.
Titubant à peine, elle se ressaisit aussitôt tandis qu'elle terminait d'ajuster sa cape.
Devant eux se dressait une grande demeure et ses grilles.
Dans un simulacre de galanterie, le vampire l'invita à passer devant. Rajustant une dernière fois sa cape, elle avança et se dirigea vers le portail.

Devant les visiteurs s'étendait une vaste propriété. Il était difficile d'apprécier du regard la totalité de la lourde grille de fer forgée qui en faisait le tour. Les bâtiments centraux mis en avant se composaient de quatre ailes principales, disposées en U avec une queue. L'espace vide entre trois des ailes était comblé par un immense jardin avec fontaines, légèrement entretenu, juste assez pour que l'on ne le prenne pas à l'abandon. Au premier plan, gachant cette vue, se tenaient 3 gardes armés juste derrière la grille, portant les armoiries de la famille sur l'épaule gauche. Sans plus de politesse, celui du centre intervint.

"Annoncez-vous, le maître n'attend pas de visiteur!"

A cette voix dure et caverneuse répondit le bruit d'armes que l'on tire de leur sommeil. Les deux autres gardes s'étaient mis en position d'attaque. Les étrangers n'étaient pas le bienvenue ici, surtout ceux n'étant pas de la même race.
La demeure appartenant à la famille d'un puissant mage, il n'y avait donc pas que trois clampins pour protéger les allées et venus des inconnus qui passaient malencontreusement par là.

Meije embrassa la propriété du regard, ce qu'elle ne parvint finalement pas à faire. La propriété semblait vaste et était entourée par une grille de fer forgé assez massive pour faire comprendre à l'étranger qu'il n'est pas le bienvenu.
Les bâtiments étaient de formes curieuses qui intriguèrent Meije, mais ce qui arrêta le plus son regard étaient le jardin.
Il était immense, comportait des fontaines et ne semblait pas l'œuvre d'un maniaque du ciseau. Ce détail attira l'attention de Meije. Le minimum de jardinage semblait être fait, mais pas plus, contrairement aux jardins qu'elle avait l'habitude de voir, dans lesquels on pouvait toujours trouver deux ou trois malades mentaux penchés à la loupe et à la pince sur le gazon et sans doute très dangereux pour le visiteur malencontreux qui ne ferait pas attention où il mettait ses pieds.
Elle s'approcha de la grille, derrière laquelle trois gardes se tenaient, arborant les armoiries de leur employeur.
Ils affichaient l'air habituel des gardes, impassible, mais qui disait très clairement : "Je ne te tue pas tout de suite".
Une voix dure et caverneuse retentit, lui intimant de dévoiler son identité, tandis que les trois personnages dégainaient et que deux d'entre eux se mettaient en garde.
Meije réfléchit un instant. Qu'un sorcier dispose de gardes l'étonnait, et elle pensa qu'ils introduisaient plutôt un effet rassurant.
Quelqu'un ne voyant que cet obstacle et oubliant le statut de sorcier de leur cible se sentait plus en confiance pour forcer le passage à des êtres plus ou moins normaux. Seulement, il valait sans doute mieux entrer escortée par les gardes que d'y aller seule et de finir écorchée, empalée ou quoi que ce soit d'autre.
Elle n'avait pas le temps ni l'intérêt de cacher son identité, aussi préféra-t-elle rabattre son capuchon et s'annoncer.

"Meije Alves", répondit-elle d'une voix ferme et claire. "Dites à votre maître que son cadeau de paiement est arrivé, et qu'il souhaiterait discuter un peu avant l'échéance".

La jeune femme préféra adopter une attitude inoffensive, les bras pendant le long du corps, une jambe légèrement fléchit, son poids reposant sur l'autre hanche. Dans l'attente, elle observa les gardes.

Les trois gardes en position d'attaque, n'hésiteraient pas à s'en prendre aux visiteurs si Meije n'était pas convaincante. Les grilles fermées, le resteraient, et elles n'étaient en aucun cas un obstacle dans leur soif de sang. Celui qui lui avait ordonné de s'annoncer pris un air encore plus impatient, d'autant plus qu'il venait de découvrir le visage de l'inconnue.

"Votre nomm'importe peu, et mon maître n'attend pas de cadeau. Surtout une humaine blanche sans intérêt! Vous mériteriez que je vous suce le sang sur place, il n'y a que ça de bon chez vous, pour être venue importuner mon maître et pourrir l'ambiance par votre présence sur nos terres!"

Les autres gardes soutenaient la même hypothèse par leurs ricannements désagréables et hautains.
Le capitaine allait attaquer, lorsque soudain, tous se figèrent, les yeux dans le vagues. Après une brève seconde, le gardien prinicpal murmura un "Comme vous voudrez-maître" pas très coopératif et regarda de nouveau Meije, un air plein de dédain.

"Le maître vous attend."

Les gardent reculèrent de quelques pas pour entrouvrirent l'une des grilles et laisser le passage.

"Mais l'autre ne rentre pas."

Le garde jeta un oeil du côté du deuxième individu et attendit que Meije passe la grille.

Les gardes n'entendaient pas la laisser passer aussi facilement.
Meije n'eut d'autre choix que d'écouter leurs quolibets et leurs ricanements.
La jeune femme soupira. Elle s'était plus ou moins attendue à ce genre de réactions mais gardait le vague espoir qu'elle n'aurait pas eu d'obstacles de ce côté là.
Comme le chef apparent faisait un mouvement en avant, elle passa en revue toutes les possibilités. Elle s'apprêtait à prendre la parole de nouveau, sans grande illusion, lorsque l'homme s'immobilisa.
Quelques secondes de vague s'ensuivirent, après quoi le garde marmonna tout bas des mots qu'elle ne put entendre.
Dédaigneux, il lui fit savoir à contrecœur qu'elle pouvait entrer et qu'elle était attendue.
Meije hocha la tête et attendit que les gardes aient ouverts la grille pour passer. Lorsqu'Éric fut refoulé, elle pivota et le regarda, légèrement inquiète et contrariée. Puis elle haussa les épaules et reprit sa marche.
Le vampire n'avait pas le choix, de toute façon.
Pensive, elle passa la grille en se tenant à distance respectueuse des gardes.
Parvenue de l'autre côté, la Croque-Mort refit face au chef des gardes.

"Par où dois-je rejoindre votre maître ?", s'enquit-elle.

Caché sous capuchon, Eric observa les gardes. Il resta muet et stoïc face aux médisances de l'elfe noir, il en avait l'habitude, en dehors d'eux, les plus beaux, les plus forts, rien ne vaut la peine.
L'entrée allait être difficle, en apparence. Car le maître des lieux de voyait pas les choses de la même façon que son soldat et permis l'entrée à Meije mais seulement à elle. Cela ne plut guère au vampire, toute seule, elle ne s'en sortirait sûrement pas face à ce puissant mage. Mais par meseure de précaution, Eric resta en retrait et s'inclina en laissant partir la capitaine pirate. Il s'installa un peu plus loin, sous un arbre mort afin d'attendre que Meije ressorte, ou pas. Si Meije n'était pas trop bête, elle se rappelerait des capacités de la race d'Eric si jamais elle avait un problème. Tout en gardant son visage caché, le vampire s'adossa à l'arbre et soupira.

"Je vais m'ennuyer..."

Meije passa la grille ayant simplement un regard pour son "serviteur" et n'émit aucune objection. Le garde n'offrit pas plus d'attention au vampire et referma la grille, ordannant ensuite à ses collègues de rester ici pour surveiller l'entrée ainsi que l'intru. Alors qu'il terminait d'annoncer ses ordres dans sa langue aux soldats, l'invitée du maître demanda son chemin pour le rejoindre. D'un geste vif et gracieux, l'elfe noir posa le tranchant de sa hallebarde sur le cou de l'intruse et parla dans la langue humaine.
"Vous n'ouvrirez votre bouche que lorsque le maître vous y aura autorisé! Sinon il recevra un paiement sans langue et le connaissant, ça ne le dérangera pas!"

L'elfe avait prononcé ces mots tout bas et entre ses dents serrées. Son envie de tuer se sentait à des kilomètres à la ronde mais sa loyauté envers son maître était supérieure. Il détacha à regret son arme, et cracha au sol.

"Suivez-moi."

Il tourna les talons, et se dirigea d'un pas rapide vers l'entrée principale de la demeure. Pour cela, ils empruntèrent un chemin caillouteux jonché de feuilles mortes qui traversait le jardin. Le brouillard épais de cette contrée permettait de distinguer la forme vague du bâtiment mais non les détails. Tout comme autour d'elle, ou Meije ne voyait apparaître nombre de fontaines décorées de sculptures plus effrayantes les unes que les autres, au dernier moment. La plus grosse, celle située au centre du jardin représentait un elfe noir bien battit, aux cheveux extremement long tombant dans une marre représentant le sang des dizaines de bébés et de jeunes femmes morts à ces pieds et dont il se nourrissait.
Après avoir monté quelques marches pour attérir dans l'aile centrale, d'autres gardes ouvrirent la porte à leur venue, regardant la jeune femme d'un oeil peu respectueux. S'ensuivit un long, interminable couloir longé d'énorme fenêtre entourée de rideaux gris, des tableaux hauts de plus de deux fois la taille d'un humain, représentant la lignée ancestrale du mage. Une fois arrivés au fond du couloir, (et donc au bout de la queue des bâtiments en U) le garde et Meije arrivèrent devant deux lourdes portes de fer forgées, rejettant une limière étrange par leur petit interstice avec le sol et entourées par de nombreuses torches. Le garde frappa trois fois.

"Qu' elle entre!"

Le garde s'écarta et les portes s'ouvrirent. Il poussa Meije à l'intérieur et les portes se refermèrent.

Meije se retrouva dans une pièce semie-circulaire, le couloir se terminait en fait par une abside. Des dizaines d'absidioles en faisaient le pourtour, toutes remplies de livres et de fioles luminescentes et protégées par une sorte de sceau énergétique. Seule celle du fond était aménagée d'un petit escalier et d'un trône. Aucune fenêtre n'éclairait cette endroit. La luminosité principale provenait de coupes de feu suspendues un peu de partout au mur et d'un immense chandelier au centre du plafond, où étaient dessinés de nombreux signes ésotériques. Le mage se tenait debout, au fond de la salle, auréolé d'une étrange énergie qu'il tentait de canaliser entre ses mains.
Quelques instants après que les portes se soit refermées, le mage dégna s'occuper de Meije.

"Tu peux parler. Que veux-tu et pourquoi es-tu venue jusqu'en ma demeure, humaine ?"

[Petite image du mage : ]
A la recherche du sorcier - Page 2 Collec10

A la recherche du sorcier - Page 2 Collec10

Meije sentit le coup venir plus qu'elle ne le vit. En un mouvement flou, la hallebarde du garde auquel elle s'était adressée pressait contre son cou.
La jeune femme écouta la menace, qui était appuyée d'un air de haine et de violence tout juste contenues, et ne répondit rien. L'instant aurait été mal choisi pour une esclandre.
Elle se contenta de hausser les sourcils et d'attendre la suite. Puis, à contrecœur, l'elfe noir ramena son arme, cracha au sol et lui enjoignit de la suivre.
Sans mot dire, elle lui emboîta le pas. Le chemin qu'ils prirent tout d'abord rappelait une ballade d'automne, brouillard, humidité et feuilles mortes à l'appui.
Assez rapidement, des formes de bâtiments assombrirent le brouillard. De temps à autres surgissaient ici et là de la brume des fontaines ornées de sculptures que Meije, passée la surprise de la première, trouva laides et lugubres.
L'une d'entre elles la frappa en particulier. Un solide elfe noir était sculpté, prostré sur des cadavres de femmes et d'enfants. Les cheveux de l'elfe étaient longs, très longs, et les muscles saillants et bien dessinés.
Meije fronça les sourcils. Ce qu'elle n'aimait pas, c'était qu'elle s'intéressait plus aux formes du mâle qu'aux atrocités qu'il avait l'air d'avoir commises.
Les elfes noirs, bien que particulièrement mauvais et hargneux envers elle, lui inspiraient un certain charme. La jeune femme prit note de s'en méfier tout en continuant de suivre son guide.
Après avoir gravit quelques marches, elle le suivit par des portes qu'ouvraient d'autres gardes dont elle devait supporter sans broncher le regard lourd de reproches quant à sa seule existence.
Ou plutôt, son accès à la demeure dans un statut de proie encore mal défini semblait les contrarier. Nul doute qu'il auraient préféré en finir tout de suite.
Meije commença de trouver le trajet long.
Elle cheminait à la suite du garde dans un immense et interminable couloir bardé de portraits démesurés et de fenêtres ternes quand ils parvinrent au pied de deux portes à l'aspect massif et métallique.
Une lumière insolite filtrait. Meije respira un grand coup. Elle allait maintenant jouer, non pour sa vie, mais pour son esprit. La jeune femme n'aurait jamais cru, avant les derniers jours, qu'elle était aussi vulnérable et que des évènements plus ardus que la lutte de survie avaient plus de conséquences encore qu'une simple mort.
Elle n'aimait pas les légumes, aussi n'était-elle pas encline à laisser son corps se trimballer tout seul en se donnant des airs d'asperge molle.
C'est sur ces réflexions qu'une voix répondit aux coups frappés par le garde.
Les portes s'ouvrirent et Meije se retrouva poussée en avant sans avoir eu le temps de réagir. Derrière elle, les lourds battants se refermaient.
L'issue principale étant désormais bloquée, la pirate s'avança légèrement. L'antre, car on ne pouvait guère user du mot "salle", correspondait à la lettre à un repaire de sorcier et aurait comblé le plus pointilleux des conservateurs de légendes. Tout y était : signes ésotériques, lueurs étranges, courants magiques, livres... Il ne manquait qu'un sacrifice pour peaufiner l'image, qu'elle s'efforça de repousser avec un frisson. La capitaine n'avait aucune d'idée de la manière dont on combattait un sorcier.
L'homme en question était un homme grand et bien bâtit, au visage ni trop dur ni trop lâche. De longs cheveux blancs coulaient de son crâne, et Meije se surprit encore une fois à lorgner d'un air appréciateur ce qu'elle aurait dû considérer comme l'objet du plus impitoyable des mépris.
On est moins tenté de distribuer l'indulgence que les coups lorsqu'un malencontreux achète votre âme bon marché, mais comme le lui disait souvent le vieux Coeur-de-Pierre, on voit la faille dans l'œil de la voisine mais pas le foutre qu'on a dans le sien.
Le vieux pirate était d'une délicatesse limitée mais d'une précision exquise. Meije se mit à penser avec nostalgie qu'il aurait su la tirer de là haut la main. La proximité d'un tel homme vous inspirait un sentiment d'invulnérabilité que seuls n'égalaient la déception et l'étonnement de sa disparition.
Après quelques instants durant lesquels la jeune femme était en proie à ses réflexions, le mage s'adressa enfin à elle.
L'autorisation de parler claqua comme un fouet à son oreille. L'idée seule qu'on pu lui interdire quoi que ce soit faisait monter en elle la rage qui lui posait tant de problèmes.
Elle se contint cependant, non sans mal, et répondit de la voix la plus posée et calme qu'elle put trouver.

"Ma mère, la vieille Alves, a prit la curieuse initiative de vous vendre mon âme en échange d'un sort de protection m'interdisant l'accès à mon héritage. C'est un peu amusant, puisque dès lors que je ne possède plus mon âme son sortilège ne lui sert à rien, mais voilà, je n'arrive pas à m'y faire. Je viens donc à votre rencontre dans l'espoir que vous accepteriez de discuter d'un prix, autre que ma vie si possible, pour lequel je puisse rentrer à nouveau en possession de mon âme. Je vous proposerai volontiers la sienne en échange mais me retiendrait de vous faire une offre si imprudente dans le sens où je n'ai aucun moyen de vous la procurer", se lança-t-elle.

La rage étrange, et demesurée quant à la circonstance, qu'elle avait refoulé lui donnait un peu d'énergie, et bien qu'elle n'aimât pas les longs discours, elle se laissa tenter et entraîner par sa verve. Celle-ci était bien trop souvent à double tranchant. Meije partait puis s'en mordait les doigts à la moindre ânerie imprudemment balancée.
Anxieusement, mais en faisant de son mieux pour avoir l'air assurée, elle attendit la réponse du sorcier.

Pendant que Meije lui répondait, le mage fit un geste de la main et l'étrange lueure qui l'entourait disparu, s'enfonçant dans une fiole du fond de la pièce en poussant un hurlement lugubre. Débarassé des âmes qu'il était entrain de tourmenter, il se retourna et alla s'asseoir sur le trône siégeant derrière lui. Installé en hauteur, il surplombait Meije d'un bon mètre et la regardait de haut. L'humaine était venue quémander pour son âme. Ses yeux, perçants jusqu'au tréfonds de son âme aurait-on dit, commençèrent à l'analyser. Après tout, c'était rare qu'il ai l'occasion de découvrir de son vivant, l'âme qu'il allait acquérir. Il jugeait la marchandise en quelques sortes. Mais étrangement, ce nom ne lui dit rien et pourtant il n'oublie jamais un contrat passé. Sans dire mot, mais toujours fixant d'une humeure noir la jeune intruse, il tendit la main. Un énorme livre se mit à planer dans la pièce jusqu'à ce qu'il arrive sur sa paume. Il ne détourna le regard que pour s'intéresser à ses pages qu'il parcourut et tourna sans les toucher. Puis d'une voix sombre il murmura son nom.

"Meije Alves" et ferma son livre.

Un lueur mauvaise apparut sur son visage alors qu'il se penchait vers elle, croisant les mains sous son menton.

"Je ne peux rien pour toi, humaine. Je me suis volontairement effacé la mémoire à propos de ce sort de protection et du moyen de rendre ton âme afin de l'offrir en cadeau à un être puissant. Tu n'es plus à moi, hélas. Je suis certain que te tourmenter aurait été un véritable délice. Mais lorsque ton nouveau propriétaire te goutera, ma loyauté lui sera affirmée."

Il se redressa, un sourire aux lèvres laissant appercevoir ses dents immaculées.

"Mais nous pouvons peut-être trouver d'autres arrangements, car on ne me dérange pas impunément ainsi, surtout une humaine".

Le mage avait répondu à sa question, il ne pouvait pas l'aider, mais il ne semblait pas décider à la laisser partir si facilement. Dans un lieu emprunt de magie, dirigé par le mage le plus puissant du Royaume Maudit, il allait être difficile d'aller contre sa volonté. Ainsi, alors qu'il restait statique, assis sur son trône, Meije pu sentir une présence dans son dos avec un leger picotement dans le cou, comme si quelqu'un était entrain de lui caresser la carotide.

Meije observa en silence les mouvements du magicien. Le visage de ce dernier n'était d'ailleurs pas tout à fait amène et lui jetait de temps à autre un regard noir.
Le manège du livre l'amusait et la détendait petit à petit en lui faisant momentanément oublier l'objet et l'urgence de sa visite. Le gros livre volait, répondait aux demandes du mage et tournait lui-même ses pages. On ne peut plus pratique.
Lorsque le magicien parut enfin se souvenir de son nom, le livre se referma. Qu'il l'eut oublié n'était déjà pas bon signe, mais la posture qu'il prit ensuite n'indiquait rien de bon non plus. L'espace d'un instant, la jeune femme regretta d'être venue.

"Que vous ne vous souveniez plus du moyen de donner mon âme importe peu, en fait. Il ne doit pas être très compliqué de ne pas la donner, tout simplement, non ?", répondit-elle.

La jeune capitaine était embêtée. Le mage ne semblait pas ouvert à la négociation, du moins pas pour ce qui l'intéressait elle. Et par dessus tout, elle n'aimait le petit sourire inquiétant et suffisant qu'elle mourrait d'envie de lui faire ravaler.
Il parla de nouveau, et Meije sentit dans son cou une sensation étrange, comme une caresse.

"Vous êtes mignon, monsieur, avec vos grands airs terribles, mais laissez mon cou tranquille, merci", fit-elle, agacée. "Des arrangements, dites-vous ? J'espère bien. Je n'aime pas qu'on se serve de mon âme comme d'un bien public, pas plus que vous n'aimez être dérangé par une humaine sans importance".

Elle eut un geste négligent, comme pour chasser une mouche, signe qu'elle désirait mettre ce genre de considération de côté pour se concentrer sur son objectif.

"Que pouvez-vous me proposer qui m'aide à récupérer la propriété de mon âme ?", demanda-t-elle à nouveau. "S'il n'y a rien à faire dans ce sens, il n'y a pas non plus d'autres arrangements à discuter. A partir du moment où mon âme sera vendue, je n'aurai plus qu'un corps vide à perdre...", ajouta-t-elle, une lueur amusée dans le regard. "En revanche, je suis... ouverte, disons, à tout, si vous avez une solution à m'exposer".

Curieusement, l'épisode du livre semblait l'avoir complètement détendue, à moins, pensa-t-elle, qu'il ne s'agisse d'un charme quelconque. Le sorcier ne lui inspirait aucune crainte, étant donné qu'elle n'avait plus rien à perdre s'il refusait réellement de l'aider, même s'il valait mieux pour elle qu'elle parvienne à se sortir du guêpier dans lequel elle était fourrée et à rejoindre Éric, ou bien qu'elle n'arrive à tirer quelque chose de ce peu chaleureux sorcier.

Un sourire sarcastique étira les lèvres du mage noir lorsque Meije rétorqua qu'il ne devait pas être de ne pas lui prendre son âme. Ce genre de réaction le confortait dans son dégoût pour les humains et toutes les races inférieures.

"Le fait que je ne m'en souvienne pas, n'annule pas le contrat qui lie ton âme, humaine. Elle n'est tout simplement plus à moi. Tu arrives trop tard. Et quand même tu serais arrivée à temps, tu n'aurais rien eu à m'offrir qui aurait pu justifier que je sois magnanime envers toi. Ne regrette rien et pris pour que ton nouveau propriétaire soit clément!"

Le mage ne put s'empêcher de rire de la situation. Voilà bien longtemps qu'une telle chose ne lui était pas arrivée. Il était rare que quelqu'un s'aventure ainsi chez lui, sa réputation effrayant au premier abord. Mais c'était aussi propre aux humains de foncer tête baissée dans une situation qui les dépassait et ne contrôlait pas le plus souvent.
Ensuite, la jeune femme sembla ne pas apprécier ce qui se passait dans son cou, et emprunta le ton de l'arrogance face à lui. Ne se souciant qu'à moitié de la fin de sa tirade, car la suite lui plaisait plus. Ses yeux se firent perçants, avides et son sourire devint machiavélique.

"Je n'ai rien à faire de tes compliments, de tes espérances ou d'une solution qui pourrait t'arranger. Je ne peux rien pour ton âme, je te l'ai dis. Et comme tu m'as dérangé pour rien, je vais m'amuser un peu avant que ton corps ne soit vide comme tu dis."

Son sourire s'élargit encore.

"Se souffle dans ton cou, ce n'est pas moi. Mais une âme que j'ai libéré. Et pendant que tu parlais pour ne rien dire, d'autres l'on rejoint. Ce ne sont pas n'importe quelles âmes bien évidemment. Tourmentées depuis des siècles, sans aucun répis, et avec leurs penchants malsaints innasouvis depuis tout ce temps en chants permanent au tréfond de leur être, ils ne t'arderont pas à s'occuper de toi. Le spectacle risque d'être plaisant. Passionés de sexe, de sang, de souffrance, ils ne pourront que me divertirent."

Le mage était sérieux. Etre dérangé par une humaine était intolérable pour un être de son rang et de sa race. Meije allait certainement passer un sale quart d'heure pour avoir voulu essayer de sauver son âme car celles des damnés commençaient à s'accumuler autour d'elle et à devenir de plus en plus pressantes.

Meije, qui n'était d'ailleurs ni au courant de la réputation du mage, ni de son rang, et qui ne pouvait donc pas s'en inquiéter, commença à s'impatienter.
Jeune femme au sang vif, capitaine de surcroit et donc habituée à commander et à être obéie, elle détestait l'autorité et ne supportait pas d'être tenue en échec, encore moins par incapacité personnelle. La situation présente la blessait donc dans son orgueil, outre qu'elle l'inquiétait légèrement quant à son avenir proche.
Le mage se moqua d'elle et rit, répétant qu'il ne pouvait rien pour elle mais qu'il se sentait d'humeur joueuse. Meije eut alors le sentiment qu'elle traversait ce qu'on appellerait, à mots couverts, une mauvaise passe, sentiment confirmé lorsque le mage expliqua en quoi consistaient les légères caresses qui la faisaient frissonner.
Ce qui, d'après le mage, se révélait être des âmes tourmentées devenait de plus en plus pressant et gênait franchement la jeune femme, qui tentait vainement de les chasser de la main.
Passionnés de sexe, de sang et de souffrance...

"Moi aussi, j'aime bien tout ça", répondit-elle au mage. "Surtout le sexe, d'ailleurs. Mais qu'y gagnerez-vous ? Songez que je pourrai vous être d'une autre utilité que celle de victime ; le monde regorge d'êtres à torturer et sur lesquels vous pouvez passer vos envies, d'autant que, si ma mémoire est bonne, les gens de votre espèce jouissent d'une longévité autrement plus élevée que la notre, et que vous avez donc sans doute eut le loisir de vous amuser tout votre soûl, et que vous l'aurez encore bien souvent", lança-t-elle.

La Croque-Mort n'avait pas grand espoir en elle d'attendrir ce genre de personnage, mais elle avait compris l'intérêt qu'elle pouvait avoir à mettre son orgueil de côté et à montrer un peu plus d'humilité pour ce sortir de ce guêpier.

"Laissez moi plutôt l'honneur de vous être utile à quelque chose, en dédommagement du temps que vous avez perdu. Si vous me renseigniez sur le nom de mon nouveau... propriétaire", dit-elle avec réticence. "A condition qu'il soit possible de le convaincre de me libérer, je vous offrirai mes services bien volontiers", termina-t-elle.

Le Mage écoutait la tirade de Meije sans conviction et avec ennuit. Il commençait d'ailleurs à s'impatienter de voir cette créature essayer de se sortir de ses griffes avec des arguments minables.

"Je ne me lasse jamais des bonnes choses et je n'en ai jamais assez. Puisque tu aimes le sexe, tu seras torturée."

Lorsqu'il prononca le dernier mot, on put entendre comme un rire rauque provenant de nul part. Les âmes torurées autour de la jeune humaine allaient enfin devenir les bourreaux et cela ne faisait qu'accentuer leurs désirs. Les sensations sur la peau de Meije se firent plus pressantes, et plus étranges aussi car non seulement, les âmes pouvaient atteindre l'extérieur de son corps mais aussi l'intérieur. Ainsi Meije commençait à sentir ses entrailles compressées, son poul s'accélérer en réponse à une sensation anormale, la douleur arrivait. Cependant, les tourmentés restaient encore correcte car ils devaient toutefois attendre le feu vert de leur maître.
Alors que les âmes s'impatientait Meije fit une autre tentative pour appater le Mage. Ce dernier ricana de manière encore plus hautaine que la fois précédente et leva une main comme pour signifier qu'il n'en avait plus rien à faire et que les nouveaux tourmenteurs pouvaient commencer leur tâche. Cependant, son geste s'arrêta en pleine course et il fixa des yeux avide vers Meije.

"Tu va me dédomagé, doublement. Voyons ce que tu as dans les tripes pauvre humaine. Tu auras le nom de ton nouveau propriétaire si tu arrives à me ramener deux âmes importantes, celle des jumeaux de Malphas."

Le Mage poussa un soupir de résignation. Ces âmes feraient un joli trophée dans sa collection. Les jumeaux de Malphas, réputé pour leur sauvagerie au combat, voués au tout départ à être sacrifiés sur l'autel des divinités du feu. Ils réussièrent à survirent chacun en buvant le sang de l'autre et acquirent ainsi une soif de ce fameux liquide insatiable.
Il revint à la réalité.

"Une âme pour mon temps perdue et une âme pour le nom de ton propriétaire. Elles se trouvent dans la forêt des Ombres, chez..." Il fit une pause avec un air de dégoût..." Chez Mégaron".

Le Mage claqua des doigts et des hurlements d'agonie retentir dans la pièce alors que la halo d'âmes qui entourait Meije, sembla se retirer vers des petites fioles.
Il s'adossa ensuite à son siège, l'air las, et congédia rapidement Meije, qui sentit une force la repousser vers la porte.

"Si tu n'as pas ces âmes tu n'auras pas tes renseignements. Et si tu me roules en y allant pas, tu ne vivras pas longtemps. J'enverrai ces âmes à ta recherche maintenant qu'elles ont ton goût avec elles, elles ne t'oubliront plus."

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